A. INTRODUCTION
La concurrence est essentiellement une course entre au moins deux rivaux pour que l’un d’entre eux atteigne la première place. En tant que telle, l’économie de marché libre doit respecter certaines procédures et certains principes commerciaux.
En fait, l’économie de marché libre est apparue en réponse au besoin d’un environnement où l’offre et la demande rencontrent les prix librement et indépendamment de toute autorité, ce qui permet à tout élément d’entrer ou de sortir facilement du marché, et où les décisions sont prises individuellement et sans aucune pression sur le marché concerné, en fonction du domaine d’activité. En conséquence, toutes les actions des éléments du marché dans la voie de la « bonne foi » constituent un environnement concurrentiel.
Fondamentalement, il s’agit du résultat d’un mouvement trop important de la part des éléments concurrents du marché. À ce stade, le droit de la concurrence et les institutions de régulation et de contrôle sont nécessaires pour assurer la satisfaction la plus efficace et la plus légale possible de l’offre et de la demande, et l’économie de marché libre est maintenue sous contrôle par le biais de la législation. Cet article explique la procédure de preuve des « pratiques concertées », qui font partie des éléments importants de l’économie de marché et dont les limites sont déterminées pour prouver leur conformité en termes de concurrence.
B. QU’EST-CE QU’UNE PRATIQUE CONCERTÉE ?
Le concept de pratique concertée est né sur la base des principes de la « Common Law » appliqués aux Etats-Unis ; cependant, la Communauté européenne a également une définition de la pratique concertée qui est similaire à celle des Etats-Unis.
La pratique concertée n’est pas entièrement décrite dans la législation nationale ou internationale. Au contraire, la définition a été introduite par le biais de décisions de justice et a été utilisée pour la première fois dans la décision de la Commission européenne « Dyestuffs » datée du 24.07.1969 et numérotée JO L 195/11. Selon cette décision, une pratique concertée est définie comme une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir atteint le stade de la conclusion d’un accord proprement dit, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence.
En effet, l’article 4 de la loi n° 4054 sur la protection de la concurrence stipule que « sont illégaux et interdits les accords et pratiques concertées entre entreprises, ainsi que les décisions et pratiques d’associations d’entreprises qui ont pour objet ou pour effet ou sont susceptibles d’avoir pour effet d’empêcher, de fausser ou de restreindre directement ou indirectement le jeu de la concurrence sur un marché déterminé de biens ou de services « .
Par conséquent, les pratiques concertées sont plus difficiles à prouver que les accords et les décisions. A titre d’illustration, dans le cadre du droit de l’Union européenne, le Traité de Rome de 1957 réglemente les pratiques concertées à l’article 85 comme suit :
Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont de nature à affecter le commerce entre les États membres et qui ont pour objet ou pour résultat d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment celles qui consistent à… » :
(a) la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ;
(b) la limitation ou le contrôle de la production, des débouchés, du développement technique ou des investissements ;
(c) la répartition des marchés ou des sources d’approvisionnement ;
(d) l’application aux parties à des transactions de conditions inégales pour des fournitures équivalentes, leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; ou
(e) le fait de subordonner la conclusion d’un contrat à l’acceptation par une partie de fournitures additionnelles qui, soit par leur nature, soit selon les usages commerciaux, n’ont pas de rapport avec l’objet de ce contrat.
2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls et non avenus.
3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables dans les cas suivants :
-des accords ou catégories d’accords entre entreprises,
-de toutes décisions ou catégories de décisions d’associations d’entreprises, et
-toutes pratiques concertées ou catégories de pratiques concertées qui contribuent à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et qui :
(a) n’imposent aux entreprises intéressées aucune restriction qui ne soit pas indispensable pour atteindre les objectifs précités ;
(b) ni ne permettent à ces entreprises d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits concernés ».
Il est clair que cet article ne réglemente pas seulement les accords entre entreprises et les décisions d’associations d’entreprises, mais qu’il interdit également les pratiques concertées visant à empêcher qu’un même résultat soit atteint par des moyens différents.
Les pratiques concertées sont également pertinentes en droit turc, avec une structure plus complexe que les accords entre entreprises. En effet, les entreprises peuvent exercer des activités sur le marché libre non seulement en concluant un accord absolu, mais aussi en participant à des collusions pour atteindre leurs objectifs. Les pratiques concertées sont placées dans le contexte des mesures qui visent à :
a) garantir la libre concurrence en général, et
b) empêcher les pratiques/actions d’entreprises qui ne sont pas considérées comme des accords ou des décisions d’empêcher la concurrence en contournant les réglementations légales en particulier.
En effet, les pratiques concertées sont apparues parallèlement à la nécessité d’interdire les comportements anticoncurrentiels. Cette question est clairement mentionnée dans la justification de l’article 4 de la loi n° 4054 comme suit : « Même si l’existence d’un accord entre les entreprises ne peut être déterminée, les relations directes ou indirectes qui assurent entre elles une coordination ou une coopération pratique remplaçant leurs actions indépendantes sont également interdites si elles aboutissent au même résultat. L’objectif est d’empêcher les entreprises de légitimer leurs pratiques illicites et anticoncurrentielles par la fraude ».
En résumé, les pratiques concertées sont réglementées pour prouver la collusion entre entreprises qui ont l’intention d’empêcher la concurrence.
C. COMMENT PROUVER L’EXISTENCE D’UNE PRATIQUE CONCERTÉE ?
Comme indiqué ci-dessus, une pratique concertée est définie comme « une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir atteint le stade de la conclusion d’un accord proprement dit, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence », conformément à l’arrêt Dyestuffs de la Cour de justice des Communautés européennes.
Dans un cadre plus large, les pratiques concertées sont considérées comme des activités commerciales anticoncurrentielles de deux ou plusieurs entreprises qui ne peuvent être expliquées par des motifs économiques et rationnels, qui ne sont pas fondées sur un accord, mais qui sont délibérément alignées. En effet, bien qu’il n’y ait pas d’accord officiel entre les parties, la concurrence est restreinte par des actions délibérément parallèles défiant toute explication économique et rationnelle.
Selon la décision de la Cour européenne de justice, il y a pratique concertée lorsque trois critères sont remplis, à savoir
i. Il existe une coordination et une coopération dans la pratique entre les entreprises sur le marché, qui ne sont pas alignées sur leur position dominante et leurs activités indépendantes, mais qui les remplacent,
ii. Cette coopération est le résultat d’une relation directe ou indirecte entre les entreprises,
iii. L’objectif est d’éliminer les incertitudes concernant les activités futures potentielles des concurrents sur le marché.
Ces critères sont recherchés dans les inspections pertinentes. En effet, une décision du Conseil de la concurrence, datée du 23.03.2000 et portant le numéro 00-11/109-54, précise : » En conséquence, pour pouvoir parler de pratique concertée :
a) Il faut qu’il y ait au moins deux ou plusieurs entreprises concernées,
b) Une activité délibérément parallèle doit être identifiée,
c) ces activités parallèles doivent être inexplicables d’un point de vue économique et rationnel,
d) La concurrence doit être restreinte.
Sans aucun de ces critères, il n’y a pas de pratiqueconcertée « . De même, la décision du Conseil datée du 26.08.2010 et portant le numéro 10-56/1080-409 indique : « Pour parler de pratique concertée sur un marché :
a-) Il faut qu’il y ait au moins deux entreprises concernées,
b-) Les entreprises doivent être engagées dans des activités délibérément parallèles,
c-) Ces activités parallèles doivent défier toute explication économique et rationnelle,
d-) Il doit y avoir une intention d’empêcher la concurrence ».
Mais comment prouver cette coopération ?
Les notions d’accord et d’action concertée sont souvent imbriquées. Par conséquent, les critères d’identification et de détermination ne sont pas clairs. Lors de l’évaluation de cette structure complexe concernant les pratiques définies dans la loi n° 4054, la charge de la preuve des pratiques concertées est parfois placée sur le demandeur et parfois sur la partie qui a prétendument mis en œuvre la pratique en question. Bien que les concepts d’accord et de pratique concertée soient distingués l’un de l’autre dans les décisions de la Commission, certaines décisions les relient également.
Dans la pratique, les pratiques concertées se produisent d’abord avant un accord et cessent avec la conclusion d’un accord. Dans les pratiques concertées, les accords et les décisions sont souvent imbriqués. Bien que ces concepts soient difficiles à distinguer les uns des autres, plus l' »accord » est compris ou interprété de manière large, plus le concept d’action concertée est étroit, et inversement, plus l’accord est compris ou interprété de manière étroite, plus le concept d’action concertée est large.
En bref, la différence entre ces concepts est liée à la manière dont ils sont interprétés et décrits. En effet, les déclarations d’intentions mutuelles, les déclarations, l’accord, les gentlemen’s agreements, les déclarations écrites ou orales entre entreprises sont considérés comme des accords et ne peuvent être considérés comme des pratiques concertées directes. Pour qu’une pratique concertée soit considérée comme une infraction, il faut qu’il y ait un accord ou une entente non vérifiable entre les parties qui ne peut pas établir concrètement une obligation ou une répartition des tâches.
Le problème de la distinction entre ces concepts n’est important que pour les pratiques d’entreprises existantes, alors que les accords entre entreprises actuellement inactives sur le marché ne peuvent pas être considérés comme des pratiques concertées. Un projet de contrat ou un gentleman’s agreement qui contient une intention claire et explicite des parties de coopérer n’est pas nécessaire pour être considéré comme une pratique concertée conformément à l’objectif de la notion.
Il convient de noter qu’il n’est pas possible de tracer une ligne de démarcation claire entre les concepts d’accord et de pratique concertée. Dans les pratiques concertées, les entreprises ne font pas de déclaration d’intention mutuelle, implicite ou explicite. Au lieu de cela, il existe un socle commun d’attentes, voire un accord mutuel, pour éliminer les incertitudes concernant les risques potentiels futurs de la concurrence. Ces attentes convergentes se reflètent dans les activités économiques. Il est donc très difficile de prouver ces deux concepts étroitement liés à l’aide des mêmes critères.
Conformément à l’article 59 de la loi n° 4054, la charge de la preuve incombe à la personne qui atteste de l’existence d’accords anticoncurrentiels. Cependant, dans les allégations de pratiques concertées, la coopération entre les entreprises ou l’état/le projet d’agir de concert n’a pas la charge de la preuve. Il suffit d’exprimer un soupçon de pratique concertée en déclarant qu’elle affecte le comportement du marché sur la base d’indications diverses et justifiables. La pratique peut être sans rapport avec les règles de concurrence en ce qui concerne l’objectif ou l’objet pour lequel les parties se rencontrent sur un terrain commun. Toutefois, les accords qui sont anticoncurrentiels du point de vue des effets possibles de ce terrain d’entente devraient être interdits, qu’ils soient exécutés ou non. En outre, à la différence des accords, les pratiques concertées ne permettent pas d’interdire l’intention des entreprises d’agir de manière concertée, sauf si leur volonté de coopération est mise en pratique. Dans le cas contraire, on ne peut pas parler d’une action réelle sur le marché concurrentiel.
D. L’AVIS
Il n’y a pas de ligne claire pour séparer les concepts d’accord et de pratique concertée l’un de l’autre. En vertu de la loi n° 4054, « dans les cas où l’existence d’un accord ne peut être prouvée, la similitude de l’évolution des prix sur le marché, ou de l’équilibre de l’offre et de la demande, ou des régions d’activité des entreprises sur les marchés où la concurrence est empêchée, faussée ou restreinte, constitue une présomption de pratique concertée », ce qui facilite l’administration de la preuve.
Les critères permettant d’identifier une pratique concertée peuvent être énumérés comme suit :
- Il existe une relation entre deux ou plusieurs entreprises,
- Les entreprises sont engagées dans des activités délibérément parallèles du fait de leur relation,
- Les activités parallèles ne peuvent être expliquées par des motifs économiques et rationnels,
- Ces activités restreignent ou ont l’intention de restreindre la concurrence.
En fait, l’Autorité se prononce sur l’existence de pratiques concertées sur la base de ces quatre critères.
La dernière phrase de l’article 4 de la loi n° 4054 stipule que « Chacune des parties peut se dégager de sa responsabilité en prouvant, sur la base de faits économiques et rationnels, qu’elle ne s’est pas livrée à des pratiques concertées ». Ce règlement stipule clairement que la charge de la preuve incombe aux entreprises. En effet, les pratiques concertées peuvent être prouvées par toutes sortes de preuves juridiques. Il est important de faire la distinction entre un accord et une pratique concertée. Les accords sont conclus par le biais de déclarations de volonté mutuelles et compatibles. Cependant, le concept de pratique concertée apparaît dans les situations où un accord ne peut être conclu. Toutefois, il est possible de parler de collusion dans les pratiques concertées. Les pratiques concertées étant plus complexes que les accords en raison de certains problèmes liés à leur découverte, leur preuve et leur conceptualisation, elles doivent être analysées au cas par cas.